N’écoutez pas les alarmistes : ils sont trop rassurants

Tout s’accélère sans cesse. L’enfer déjà présent est infiniment pire que ce que l’on entend ou que ce que l’on s’autorise à admettre pour conserver un peu d’espoir. Ce ne sera jamais assez dit : l’effondrement à craindre n’est pas celui de notre civilisation fondée entre autres sur le carnage industriel de la planète et de ses habitants, mais celui bien plus cataclysmique, et semblant plus imminent mois après mois, de cette même planète foisonnante, de ces mêmes habitants, de tout ce qui fait la vie, sa richesse et sa diversité sur terre.

Alors que chaque année nous apporte son lot de températures les plus gravement élevées depuis le début des enregistrements1, alors que la sortie de confinement dû à l’épidémie de covid-19 s’apprête à relancer l’activité de la Machine plus terriblement que jamais pour « rattraper le retard » tout en empêchant radicalement toute forme de contestation2, alors que les abominations de toutes sortes se poursuivent sur fond de meurtres policiers et de répression de plus en plus techno-totalitaire, alors que ce monde est déjà un enfer absolu pour des milliards d’individus humains et non-humain qui crèvent dans la banalité la plus morbide, l’on apprend que l’Amazonie serait en train de devenir une source de carbone3. Rien que cela.

L’atrocité de cette information est à peine concevable. S’il ne s’agit pas de se complaire dans le catastrophisme, ni de se laisser paralyser par l’horreur de ce monde et de celui qui s’annonce, il est plus que jamais nécessaire de voir l’atrocité en face, de ne plus cacher la misère pour assurer sa tranquillité. Tout empire, et tout va bien plus vite que ce que les prédictions les plus alarmantes nous laissent craindre à chaque publication du GIEC. Les quelques années précédentes nous ont peu à peu révélé que les mises en garde scientifiques concernant le climat, la biodiversité et l’état du monde futur ont souvent quelques fins du monde de retard sur la réalité.

Pour autant, il est difficilement possible d’affirmer que tout est hors de contrôle, que tout dérape, que rien ne se passe comme prévu ; précisément parce que ces enchaînements de catastrophes sont le contrôle même de ce monde que prétendent avoir les dirigeants. L’emballement étouffant du climat, l’éviscération frénétique des forêts et des sols partout sur la planète, le massacre des populations animales, tous ces désastres industriels représentent le fonctionnement normal du système dans lequel nous vivons, le résultat d’une culture aliénante et elle-même aliénée au vivant dont l’obsession de contrôle, d’emprise et de développement mène toutes les formes de vie à la ruine. Il n’y a rien d’étonnant à ce qui se passe, et nous le savons. C’est peut-être le pire de ce qui est en train d’advenir.

Aussi, et à l’heure où l’étranglement de toute expression contestataire s’apprête à devenir sérieusement dictatorial4, il faut affirmer la nécessité absolue que se construise un vaste mouvement de résistance conscient des enjeux, et comptant des personnes et des groupes de personnes prêts à faire le nécessaire pour enrayer autant que possible ce déferlement de catastrophes. Se battre corps et âme, à hauteur de ses moyens, de ses talents et de ses capacités, contre un monde qui détruit le vivant ne doit plus être perçu comme une position « radicale », mais comme la seule position encore raisonnable par les temps où nous sommes. Un embrasement féroce du quotidien tel celui qui enflamme actuellement les Etats-Unis suite au meurtre glaçant de George Floyd par des policiers, serait la moindre des choses partout, mais ce ne sera pas suffisant.

Le monde qui s’annonce promet d’être bien pire que tout ce qui se dit dans les médias de masse. Tant qu’il restera sur ce monde une fleur, un arbre, une bête, un humain, il sera nécessaire de se battre pour en défendre l’existence contre une civilisation en tous points meurtrière. Quitte à dépasser des limites de plus en plus caduques.